Tonalités Chinoises

Le voyage est une rencontre avec un pays et les gens qui l'habitent. Parfois la magie reste inopérante, le regard est aveugle, rien ne résonne ou si peu... D'autres fois le miracle opère, le regard s'élargit et le pays entre en vous comme une marée, une odeur, un chant.
Le voyage est affaire de sens: voir, goûter, toucher... La parole se réinvente -surtout si elle est bridée par une langue inconnue et la nécessité de se faire comprendre- à renfort de gestes et de sourires...
En Chine je respire des parfums et mon nez devient une grotte de souvenirs. J'écoute des gens qui chantent une langue « étrange » et, faute de mots, j'apprends à entendre autrement. Tout se loge dans l'attention portée, le détail qui révèle une histoire, une atmosphère qui vous souffle des évidences: ici, il y a un goût de la vie, des petites choses, des plaisirs tout simples que je redécouvre. Il y a une forme de liberté aussi, la plus prosaïque qui soit: celle de dormir quand on a sommeil, n'importe où, dans la casemate de garde, devant une échoppe, sur un comptoir. Celle de soigner, de s'éventer, de se laver, de danser, de méditer, de manger dans la rue, sur un trottoir, aux yeux de tous. Liberté des corps, peut-être, liberté des appétits aussi. L'intime surgit sur la place publique, c'est normal, banal. Ni impudeur ni exhibition, plutôt une communion qui me surprend chaque jour un peu plus. Notion de groupe ? Tradition culturelle ? L’individu ne s’oppose pas à l’autre, on se côtoie, on se mélange et on s’accorde.
E-mouvoir... Le monde que je rencontre me met en mouvement, le ravissement me pousse et je marche des heures durant... Je marche en terre inconnue, fantasmée et j'égare lentement mes repères, je me déleste de toutes mes idées reçues, mes préjugés, tout ce qui pèse et entrave. Sans références, tout devient possible. Je vais les mains dans les poches... ou presque. L’appareil photo est mon sésame, il fait merveille pour prolonger mon regard. Je fais du vide, assez de place pour les rencontres, l'inconnu. Or, l'inconnu s'apprivoise, il ne se force jamais.
En Chine il y a une vitalité incroyable, mélange de densité et de mouvement, une fluidité qui me prend et m'emporte. La force de vie est palpable, elle me traverse comme une cadence intime, mes pas sur une route. Je marche depuis tant de jours! Est-ce moi? Eux?... Au gré des rencontres, cette terre m'est devenue familière.
Je suis en Chine, je la quitte demain et j'en rapporte des images, une rumeur tenace…

Un texte de Virginie Jouannet sur le voyage de Pierre-Alexandre Pheulpin, photographe.